3 et 4 mai 2025 à Nice

Nous vous proposons d’écouter deux pièces sonores pou rune une plongée inédite dans le monde sous-marin, où le son revêt une importance cruciale. Cette expérience artistique fusionne l’art et la science pour révéler les secrets cachés des écosystèmes océaniques.
La première pièce, Beyond sea skin plonge dans les eaux froides du fjord de Kvænangen en Norvège. Elle valorise une campgene de captation sonore réalisé lors des missions Adapredat dirigées par le professeur Hervé Glotin (Université Toulon Sud Var).
La seconde pièce Underwater hidden sound life glisse au-dessus des canyons sous-marins de Méditerranéen à moins de 10km des côtes entre le Var et les Alpes maritimes.
Beyond sea skin
Écoute binaurale du Fjord de Kvænangen en Norvège

orque et boule de hareng, photo : mission Adapredat
Le projet sonore de l’œuvre Beyond Sea Skin dépeint les effets du changement climatique sur les communautés de cétacés dans l’océan Arctique. Ces grands chasseurs marins voient leurs sources de nourriture de plus en plus confinées aux fjords norvégiens, ce qui les enferme dans des zones d’alimentation restreintes malgré l’immensité de l’océan. Le professeur Hervé Glotin, bioacousticien, mène une campagne de surveillance sonore qui démontre la présence de centaines d’orques, d’une douzaine de cachalots, de baleines à bosse et de rorquals communs, dans un espace d’une centaine de kilomètres sur un volume de moins d’un kilomètre cube. Ces animaux se débattent dans une « baignoire » et nous alertent sur les transformations climatiques en Europe du Nord. Derniers représentants des grands mammifères sauvages, ils tirent la sonnette d’alarme sur l’extrême danger qui pèse sur leur existence, avant que leurs problèmes ne deviennent irrémédiablement ceux de l’humanité.
pour en savoir plus : https://maxencemercier.com/beyond-sea-skin/
Underwater Hidden Sound Life
Écoute binaurale, 15 minutes

Les deux drones Sphyrna de la mission Sphyrna Odissey, photo : Glotin & Demarthon
Présentation
Hidden Underwater Sound Life immerger les auditeur dans les mondes sonores des cachalots, des dauphins globicéphales et des autres espèces sous-marines. La pièce propose une mise en perspective de la communication des espèces sous-marines et les impacts de l’activité humaine sur leurs habitats. Elle utilise les enregistrements sous-marins en 3d d’une précision exceptionnelle réalisé avec les drones scientifique de la mission Sphyna Odissey.
L’expérience d’écoute commence par les clics rythmiques des cachalots en chasse, révélant les comportements complexes de ces géants. Les auditeurs se retrouvent ensuite au milieu des sifflements et clics d’écholocalisation d’un groupe de dauphins globicéphales. L’expérience se poursuit par l’illustration de l’impact acoustique du trafic maritime avec le passage au large d’un ferry, inondant l’espace sonore avec les bruits mécaniques de sa machinerie, perturbant la faune aquatique et masquant ses signaux sonores sur de grandes distances.
Descriptif
Nous sommes à la surface de la mer. Les hydrophones captent les sons des clapotis de l’eau sur la coque du drone Sphyrna. En tendant l’oreille, l’on perçoit un clic plus ou moins régulier. Ce clic témoigne de la présence d’un cachalot en train de chasser. La cadence des clics accélère et ralentit en fonction de son comportement. L’analyse informatique des clic permet de déterminer la position et les postures de l’animal en suivant sa plongée qui peuvent durée près de 45 minutes.
Nous allons progressivement ralentir et ainsi zoomer dans le son pour nous rapprocher du cachalot et ainsi percevoir les variations de son que l’on nomme codas. (motif rythmique).
Nous allons entendre un groupe d’une douzaine de globicéphales venir à la rencontre de nos drones. Une séquence d’une grande proximité qui a permis pour la première fois de capter en haute résolution les signaux de cette espèce.
Nous entendons les individus traverser la scène sonore, s’approcher et tournoyer autour des hydrophones.
L’enregistrement est progressivement filtré et nettoyé des bruits parasitiques pour se concentrer sur les sifflements et clics produits par les globicéphales. Le ralentissement du son met en relief des échanges entre individus qui semblent se répondre. Nous ralentissons le son plus de 10 fois pour percevoir les trains de clics extrêmement rapides imperceptibles à vitesse normale.
Nous entendons le passage d’un ferry classique d’environ 200 mètres pour 19000 tonnes. Comme beaucoup de vieux navires, sa coque n’est pas optimisée pour réduire sa signature acoustique.
Un trafic maritime incessant balaye les mers et océans. L’un des enjeux de la mission Sphyrnaest d’évaluer l’impact anthropique sur les populations de cétacées. Les signaux de la faune aquatique sont régulièrement masqués par le passage de gros navires pouvant perturberl’environnement sur des kilomètres.
Les améliorations sur les navires de dernière génération permettent actuellement de réduire drastiquement ces nuisances.
La séquence se focalise sur le passage de ce navire. À plus de trois kilomètres nous percevons clairement les rouages mécaniques de ses moteurs. Le passage progressif met en évidence la radiation du navire qui n’émet pas les mêmes signaux devant sa proue, sur ses flancs et derrière sa poupe.
Techniques
Cette pièce met en œuvre des techniques de traitement du signal avancé spécifique aux signaux issus de la mission Sphyrna odyssée. Il s’agit de prises de sons multicanal issues de 3 antennes audio sous-marines fixé à des drones marin dérivant à la surface de la mer. Chaque antenne est équipée de quatre à six hydrophones. Les sons capturé sont des signaux à usage scientifique, leurs raretés les rendent intéressants sur le plan esthétique, mais il y a un gros travail de selection et de mise en forme pour en extraire des qualités expressives expurgées des scories et perturbations du milieu. Outre la rareté des scènes capturées, l’intérêt technique du dispositif est sa capacité à saisir un volume d’eau gigantesque.
Utiliser les valeurs esthétiques des signaux biophoniques marins en général très bruités implique d’extraire les matériaux quasiment sous le bruit ambiant qui est dominant. On y perçoit des bruits de flux d’eau, des bruits de bulles d’air, des bruits de coque, de vagues et énormément de bruits mécaniques proches comme lointains.
Les nombreuses techniques de nettoyage du signal utilisées en bioacoustique conviennent à une analyse informatique, mais ne satisferont pas une écoute humaine. Pour cette pièce, des méthodes de filtrage par empreinte FFT auto-adaptative dédiée à l’écoute de ce type de prise de son ont été développées dans l’environnement Max. Les algorithmes d’intelligence artificielle utilisés en bioacoustique se concentrent davantage sur la partie informationnelle du signal, permettant d’étudier l’environnement, les espèces en présence, leurs caractéristiques, quantité, taille, poids, sexe, etc.
Les caractéristiques esthétiques participent quant à elles à une mise en valeur expressive de la vie animale et sont propices à sensibiliser le public sur des modes de communication ou d’existence encore inconnus. C’est pourquoi il faut développer des outils spécifiques mettant en valeur les aspects esthétiques du signal, les logiciels et instruments conventionnels ne permettant pas d’exprimer les dimensions cachées de la bioacoustique. Un travail de lutherie est à faire sur des instruments de transduction à destination de musiciens pour leur permettre de révéler les parts invisibles et inaudibles du monde vivant. Comme contribution, j’ai réalisé dans ce but quelques instruments à l’interface de l’art et de la science. Les techniques de mise en valeur esthétique de l’écoute passive multicanal sont expérimentales en milieux marins. Il est certain que des avancées majeures sont possibles pour décoder et affiner les formes sonores à extraire des captations bioacoustiques.
pour en savoir plus : https://www.tripinlab.com/underwater-hidden-sound-life/
Collaboration Art / science
Les données scientifiques sont transformées pour réaliser une expérience sensorielle immersive accessible au grand public. En s’appuyant sur les sons bioacoustiques capturées dans le fjord ou les abysses méditerranéens, le projet propose de sensibiliser le public à la fragilité des écosystèmes marins face aux impacts du changement climatique et aux activités anthropiques. Il met en lumière la nécessité d’une cohabitation harmonieuse entre les espèces, tout en valorisant les résultats de recherches scientifiques complexes à travers une approche artistique immersive. Cette dimension émotionnelle et éducative contribue à une meilleure compréhension des enjeux marins, tout en créant un dialogue entre science et société.
L’artiste Maxence Mercier transforme en compositions sonores les enregistrements sous-marins issus de la bioacoustique. Cette fusion entre art et science offre une expérience d’écoute immersive unique, permettant au public de découvrir la diversité des interactions sonores des écosystèmes océaniques tout en soulignant l’urgence à préserver ces habitats marins essentiels pour la planète, en rappelant que chaque son doit s’articuler dans la symphonie des mers et océans, qu’il soit produit par la biosphère, la géosphère ou la technosphère.
Maxence Mercier et Hervé Glotin collaborent depuis 2014 de manière fructueuse (publications communes, expositions et créations artistiques). Au sein d’un projet informel collaboratif appelé MUSE pour « Multimodal Scenes for bioacoustic Evidences », leurs travaux passés ont démontré un impact significatif à l’interface de l’art et de la science pour la sensibilisation et l’implication du public aux questions environnementales.
Hervé Glotin, bioacousticien, professeur à l’université de Toulon et directeur du Cian (centre international d’intelligence artificielle en acoustique naturelle) étudie depuis plusieurs années les comportements des cétacés grâce à des enregistrements acoustiques réalisés par des hydrophones immergés plusieurs mois chaque année dans différents points du globe. Ces enregistrements captent non seulement les vocalisations des cétacés, mais aussi leurs interactions avec l’environnement et les activités humaines. Ces données scientifiques, riches et complexes, révèlent des schémas de communication et des stratégies adaptatives uniques, offrant un aperçu sans précédent des dynamiques écologiques et sociales de ces mammifères marins.
L’originalité de la bioacoustique réside dans la possibilité d’être à l’écoute de l’environnement biologique avec un impact écologique minimal. Les stations autonomes équipées d’hydrophones captent des environnements sonores subaquatiques sur de très longues périodes. Les informations recueillies sont ensuite analysées par ordinateurs avec des algorithmes spécialisés. Maxence Mercier, compositeur et doctorant en création/recherche, transforme ces données à destination d’une œuvre artistique immersive. Il valorise les captations bioacoustiques pour créer des paysages sonores qui reflètent la vie dynamique sous la surface des mers et océans. Cette approche transdisciplinaire illustre l’interconnexion entre science et art, rendant accessible au grand public l’urgence de préserver ces écosystèmes marins fragiles.
Références bibliographiques et artistiques
Mercier M. & all, 8th DCLDE Workshop, Marine Mammals and Acoustics, 2018 https://maxencemercier.com/publications/dynimax/
Mercier M. Umwelt, 2024, pièces mixtes pour piano, violoncelle et électronique : https://maxencemercier.com/umwelt/
MERCIER M. (2024) :Sound Trajectory v3, https://www.tripinlab.com et https://github.com/maxence-mercier/Sound-Trajectory
MERCIER M. (2023) : Sound Trajectory en pratique live, Jim 2025, https://jim2023.sciencesconf.org/data/pages/1_2_MERCIER.pdf
MERCIER M., Trubert J. (2024) : Les invariants de l’espace sonore, ed Harmann, Espèce d’espace, Caen 2024, à paraître courant 2025
Site institutionnel du CIAN (direction Herve Glotin) : https://cian.lis-lab.fr/
Glotin H. Rapport scientifique mission Adaprédat : https://sabiod.lis-lab.fr/pub/ADAPREDAT/AAPSanteEnvironnement2022.2_Rapportfinal_GLOTIN_FJORD3D_202403.pdf
Crédits
Université Côte d’Azur – laboratoire CTELA, le GRIS & l’Université de Montréal (Canada), XRC2C2 (Extended Reality Research and Creative Center), Tripinlab, LMA/CNRS plateforme MAS (Laboratoire de mécanique et d’acoustique, plateforme Musique Audios Sons), MUSES, Sphyrna Odissey, Université de Toulon, LIS/CNRS (Laboratoire d’informatique et systèmes). Avec le soutien du programme ANR-15-IDEX-01 dans le cadre du contrat doctoral de Maxence Mercier à Université Côte d’Azur
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