Muse

Résumé

H. Glotin (Pr. en informatique et bioacoustique) et M. Mercier (artiste numérique audiovisuel) collaborent pour créer MUSE (« MUltimodal Scenes for bioacoustic Evidences »), plateforme d’observation et d’interprétation sonore et visuelle de corpus bioacoustiques inédits. MUSE décomposera pour le public les différents modes de communication de la biodiversité enregistrée dans des écosystèmes reculés et à des fréquences souvent inaudibles. Nous observerons les abysses inconnues en écoutant les yeux sonars des cétacés. Nous distinguerons la richesse de l’Amazonie par mille espèces d’oiseaux et des dauphins roses méconnus. Nous percevrons le vol complexe de la chauve-souris via son sonar. Nous décrypterons les complexes symphonies d’abeilles enregistrées toute l’année en continu au cœur de leur ruche. MUSE permettra de synthétiser et de réinterpréter les données et le savoir scientifique dans un espace de représentation homogène, sensible et capable de révéler des corrélations non encore explorées entre forme d’onde et éthologie. Un autre impact est de stimuler l’éco-conscience de l’humain en le détrônant de son orgueilleux idéal d’unique espèce communicante, dans sa société assourdissante qui brise les équilibres biophoniques. Des expositions régulières sont prévues, avec la production de supports pédagogiques sur internet, notamment en flux.

Description du projet

Les émissions acoustiques des organismes vivants sont des liens intra et inter-spécifiques fondamentaux. Ces sources acoustiques, stationnaires ou transitoires, audibles, infra ou ultra sonores, régulent les sociétés ou les interactions prédateurs proies. L’humain perturbe fortement ces liens invisibles par ses propres émissions acoustiques. Cette pollution moderne est encore mal appréhendée par le citoyen, qui est même peu conscient du stress qu’il subit de s bruits de sa propre société. L’environnement acoustique, ou encore paysage acoustique, subit des agressions anthropiques, en plus d’autres, et voit sa biodiversité chuter. Le citoyen est hyper-connecté et hyperstimulé par les sources acoustiques, et il semble paradoxalement qu’il lui devient de plus en plus difficile de comprendre l’importance du silence, du respect des sources acoustiques naturelles.

Notre projet Muse a vocation d’éveiller le citoyen du monde sur cette priorité qu’est la protection des ressources bioacoustiques, tant par la non pollution acoustique. Comment l’art peut mettre en lumière de manière différente les multiples facettes de nos questionnements et problèmes qui ont désormais une dimension planétaire ? Quelles sont les voies permettant de suivre le réseau des causes à effets des mutations actuelles ? Comment peut-on les « représenter » pour les rendre « visibles » et pouvoir les comprendre ?

MUSE est un projet d’interprétation artistique sonore et visuel de données bioacoustique. Il s’agit de visualiser et de sonifier des données issues de différentes études et méthodes d’analyses scientifiques. Muse à vocation à sensibiliser le public à l’urgence d’une prise de conscience des dommages occasionnés par les activités humaines sur des environnements pour la plupart encore méconnus.

Ce projet est une muse au sens propre, pour l’inspiration que peut offrir l’art au bioacousticien qui est souvent à la recherche de représentation de formes sur ces signaux parfois aux logiques inconnues. Notre projet s’articule comme un programme composé de plusieurs de pièces. L’unité de ce programme repose sur l’information véhiculée par les modes de production acoustiques de différentes espèces vivantes.

L’originalité de la bioacoustique est de pouvoir écouter l’environnement biologique avec un minimum d’impact écologique. Quelques stations autonomes équipées de microphone permettent de capturer des informations sur de très longues plages de temps. Les informations récupérées par les bioacousticiens sont pour la plupart analysées par ordinateur et algorithmes spécialisés. Ce sont les résultats issus de ces analyses qui seront exploités par le projet Muse. À la fois pour rendre visibles et audibles ces multiples données, mais aussi pour découvrir quelques corrélations offertes par une interprétation purement artistique.

Les deux protagonistes de ce projet ont travaillé ensemble au préalable sur une pièce musicale et visuelle, Iquisme [1]. Leur collaboration a abouti à la création d’une technique de Synthèse d’interactions multimodales (figures 1 et 2) qui offre un nouveau processus d’écriture d’œuvre audiovisuelle. Cette première expérience repose sur une méthode d’analyse par Sparse Coding [4], ou codage parcimonieux, qui permet d’extraire les gênes d’un ensemble de données hétérogènes puis d’en recoder leurs séquences. Cette expérience nous a permis de concevoir les passerelles et méthodes de fusion entre nos univers respectifs : esthétique, virtuel, abstrait et symbolique.